Les dernières nouvelles de Nicolas Peltier et de sa famille à Gallardon

Le 21 juillet 2005 aux Archives départementales d’Eure-et-Loir à Chartres, dans le greffe d’un notaire gallardonnais du XVIIe siècle, un descendant de Nicolas Peltier, soit Benoît Pelletier-Shoja, retrouva le contrat d’apprentissage de son ancêtre, qui date du 29 février 1612. Ce contrat est important – voire inestimable – pour plusieurs raisons.

D’abord, il porte la signature de Nicolas Peltier, ce qui nous permet de prouver irréfutablement et donc définitivement qu’il s’agit du pionnier canadien.


Signature de l’ancêtre tirée du greffe de Jean Fullone, le 29 février 1612

Ensuite, il renforce ce que l’on savait déjà des origines de l’ancêtre; c’est-à-dire, qu’il venait de « la paroisse de St-Pierre de Gallardon en beausse [sic] », selon le registre de Notre-Dame de Québec, le 17 octobre 1650.

Le contrat porte aussi la signature de celui qui a instruit le jeune Nicolas dans l’art de la charpenterie, métier que ce dernier continuerait plus tard à exercer en Nouvelle-France. Ce maître-charpentier s’appelait Michel Delaval, et le contrat porte non seulement sa signature à lui, mais aussi sa marque. Il a tracé en dessous de sa signature la silhouette une hache à main, outil indispensable d’un charpentier-menuisier pour tailler les poutres et poteaux. Cette marque identificatoire aurait sans doute été gravée aussi sur les charpentes construites par Delaval.

En plus il montre que Michel Delaval demeurait à Épernon, commune périphérique de Gallardon, où il aurait fort probablement emmené son jeune élève. Ceci représente le premier indice des premières migrations du pionnier avant son arrivée à Québec en 1636.

Néanmoins, l’ultime raison pour laquelle ce document est tellement précieux, c’est qu’il porte les noms des parents de Nicolas Peltier!  Il serait donc plus tard la clé pour ouvrir les recherches dans les registres paroissiaux de Gallardon.

 

Fac-similé du contrat rédigé à Gallardon le 29 février 1612 par Jean Fullone
Date du contrat, tirée d’une page précédente

 

Première partie du contrat (recto)

 

Seconde partie du contrat (verso)
Photos : courtoisie d’Éric Blaise

 

Transcription :
 

Du mercredy vingtneufviesme
et dernier jour de febvrier 1612

Fut presente simonne pichereau veuve de deffunct francoys
pelletyer demeurant a gallardon laquelle baille comme aprenty et alleve
du premier jour de mars prochain jusqu’ à quatre ans
ensuivant à michel delaval maistre charpentyer demeurant a espernon
present, cest assavoir nicollas pelletyer filz dudyt deffunt
pelletyer et deladyte pichereau ses pere et mere
pour par ledyt delaval son maistre luy aprendre
monstrer & enseigner sondyt estat de charpentyer
& luy querir & aprester son boire manger [mecher] [ de]
chaufer blanchir tant sain que malade durant ledyt
temps et oultre alacharge de par ledyt delaval
son maistre l’entretenir tant d’habits que linges et chaussures
selon qu’a son estat et qualitte apartient [________]
aussi que ledyt nicollas pelletyer sera tenu servir
ledyt delaval son maistre a sondyt estat et a touttes
ses autres affaires licittes & honnestes que luy commendera
sans s’en deffier n’y ailleurs servir a quoy faire
ledyt pelletyer sy est [s ] & [oblige] mesme par
enprisonnement de sa personne ce bail faict [_____]
& alacharge que ledyt pelletyer sera tenu servir
sondyt maistre durant ledyt temps sans luy en payer
aucune chose car ainsy en presence maistre thomas
deleau [___________________________]
lesdytes partyes [_______________]

NICOLAS PELTIER       MICHEL DELAVAL
                                         [avec hache à main]

   ABRAHAM                        DELEAUE
   [avec paraphe]                     [avec paraphe]

 

L’original de ce contrat est conservé aux Archives départementales d’Eure-et-Loir (cote : 2 E 49 / 35). Transcription faite par Michel Thibault, Brigitte Féret et Benoît Pelletier-Shoja, avec l’aide additionnelle d’Émilie Lebailly et de Guy Perron. Il est à noter que l’orthographe conforme au document original et que les caractères en italique « complètent » les abréviations et raccourcissement employés par le notaire.


Les registres de la paroisse Saint-Pierre Saint-Paul de Gallardon :

On ne peut parler des registres de la paroisse de Gallardon sans mentionner – et bien évidemment remercier – Florine Perry, adjointe administrative principale responsable de l’état civil à la Mairie de cette ville. Dire que Mlle Perry est amie des Pelletier, ce n’est pas assez dire. Sans connaître ni Nicolas Peltier ni le jeune États-unien qui lui écrivait pour lui demander des renseignements sur la famille de son ancêtre, sans même savoir ce qu’elle pourrait trouver, elle s’est impliquée dans l’immense tache de relier les descendants de cet « enfant du pays » avec leur ancêtre. Mlle Perry a non seulement accordé aux descendants de Nicolas l’accès aux plus anciens registres de Gallardon, elle a aussi fait maintes recherches elle-même, tant dans les archives municipales qu’aux Archives départementales d’Eure-et-Loir – sans parler de son rôle dans l’inauguration à Gallardon d’une plaque commémorative en honneur de Nicolas Peltier. Avec l’aide précieuse de Maurice Vié, historien érudit, chercheur infatigable et auteur de plusieurs tomes sur l’histoire de Gallardon et ses environs, Mlle Perry nous a permis de « toucher » à la vie de la grande famille Pelletier de Gallardon.


À la suite du découvert du contrat d’apprentissage de Nicolas Peltier et armé des noms des parents de son ancêtre, Benoît Pelletier-Shoja s’est plongé dans les plus anciens registres de la paroisse Saint-Pierre Saint-Paul de Gallardon.

Dans le second registre, qui commence en mars 1591, il n’a pas retrouvé qu’une sœur aînée de Nicolas; il en a retrouvé trois. Nicolas était le quatrième enfant et le premier fils de sa famille. Ses parents ont fini par avoir treize enfants, soit neuf filles et quatre fils, à partir de 1592 et jusqu’en 1610. Par contre, faute de recherche effectuée là-dessus, il est impossible en ce moment de confirmer combien parmi eux ont atteint l’âge adulte.

 

Les enfants de François Pelletier et Simone Pichereau, baptisés en l’église Saint-Pierre Saint-Paul de Gallardon :

 

Simone Pelletier, le 16 novembre 1592

Le lundy seizeesme jour de novembre a esté
baptiza symonne fille de francoys pelletier
et de symonne pichereau ses peres et meres jehan
janes et marion bernarde femme de marin beauchesne
et marie pichereau veufve de jacques vigoureux
tous de ceste paroisse

 

Philippe Pelletier, le 18 octobre 1593

Le dixhuictiesme jour fut baptize
philippe fille de de francoys pelletier
et simonne pichereau ces pere et mere
pasquier pichereau philippe garnier et
je jehanne riole ces parains et maraines

 

Jeanne Pelletier, le 3 avril 1595

Le troysiesme jour du mois fut baptisée jehanne pelletier
fille de francoys pelletier le paren marin [beausejour?]
les maraines jehanne goicedde femme de jehan bernard
et marie pichereau femme de vincent collibert

 

Nicolas Peltier, le 4 juin 1596

1596 quarto die mensis junii baptizatus fuit nicolaus
filius francisci pelletier et simone pichereau eius
uxoris patrini nicolaus brebier et eligius pelletier
matrina vero mathurine moinaut uxor pascasii
pichereau

Transcription du latin par Michel Thibault

1596 le quatrième jour du mois de juin fut baptisé Nicolas
fils de François Pelletier et de Simone Pichereau
sa femme; les parrains Nicolas Brebier et Éloi Pelletier
la marraine Mathurine Moinaut femme de Pasquier
Pichereau

 

Marie Pelletier, le 11 mars 1598

Le ii jour dud moys a este baptisse marie le peltier
fille de francoys le peltier et simonne picheriau les
parrains jehan martin et demoiselle katherine derouet et germaine
peltier

 

Marie Pelletier, le 10 février 1599

Le dixiesme jour dud moys a este baptizee
marie peltier fille de francoys peltier et de
simonne pycherelle le parain claude du boys
les maraines marie garnier et marie de la roche

 

Jeanne Pelletier, le 11 juillet 1600

1600 Martis undecima easdem mensis baptizata fuit johanna
filia francisci peltier et symonne pychereau eius uxoris
patrinus georgius peltier matrinae maria pychereau
et johanna baudouyn

1600 le mardi onzième du même mois fut baptisée Jeanne
fille de François Pelletier et Simone Pichereau sa femme
parrain Georges Pelletier marraines Marie Pichereau
et Jeanne Beaudouin

 

Éloy Pelletier, le 23 janvier 1602

1602 vigesima tertius die mensis januarii babtizatus fuit eligius
filius francisci pelletier et simone pichereau eius uxoris
patrini eligius boudon et joannus fullone [____]
matrina vero joanna boudon uxor eligii vassort

1602 le vingt-troisième jour du mois de janvier fut baptisé Éloi
fils de François Pelletier et Simone Pichereau sa femme
parrains Éloi Boudon et [Maître?] Jean Fullone
marraine Jeanne Boudon femme d’Éloi Vassort

 

Pierre Pelletier, le 18 novembre 1603

Traduction du latin :

Le dix-huitième jour du mois fut baptisé
Pierre fils de François Pelletier
et Simone Pichereau sa femme furent parrains
Pierre Beauchesne et Nicolas
fils d’Éloi Pelletier fut marraine
Jeanne femme de Claude Duboys

 

Nathalie Pelletier, le 10 avril 1605

Traduction du latin :

Le dixième jour d’avril de la même année fut baptisée Nathalie
fille de François Pelletier et Simone Pichereau fut parrain
Mathurin Bisson marraines Nathalie Naufray et
Étiennette Janet

 

Marguerite Pelletier, le 10 novembre 1606

Traduction du latin :

Le même jour fut baptisée Marguerite fille de
François Pelletier et Simone Pichereau fut parrain
Jean Yesme marraines Marguerite Mauguin
et Mathurine Colibert
                                  [signé] MARCHANT

 

Philippe Pelletier, le 22 février 1609

Le dict jour environ sept heures du soir fut baptize
Philippe fils de francoys pelletier et de simonne
pichereau sa femme les parains noble homme
Philippe Desessarts et André pelletier la maraine
Adrienne haury femme de michel Abraham

 

Simone Pelletier, le 13 juin 1610

Le treise iesme jour dudit mois a este baptisse
simonne peltier fille de francoies peltier simonne
picherelle ces pere et mere et le parain gilles
collabert et la maraine jaqueline abray
[signé] GILLES COLLIBER
JACQUELINE

 

Ces images des actes de baptême des enfants Pelletier nous proviennent des Archives départementales d’Eure-et-Loir. Le directeur des Archives, Michel Tibault, nous signale que d’ici deux ans, les Archives départementales d’Eure-et-Loir vont offrir, dans son site d’Internet (archives28.fr), des images numérisées de tout l’état civil du département, y compris donc celui de Gallardon, antérieur de 1853.
 
Or les actes de sépulture de Gallardon ne sont conservés avant 1658, mais étant donné que le mot « défunt » est absent de l’acte de baptême de Simone, nous pouvons déduire que son père était encore vivant en juin 1610. Il est donc décédé au cours des vingt mois entre la naissance de Simone et la signature du contrat d’apprentissage de Nicolas. M. Thibault indique : « Il est donc probable que le décès du père n'ait pas seulement interdit à son fils d'apprendre le métier paternel mais ait aussi posé à sa veuve un redoutable problème de subsistance : on ignore tout du métier du père et donc des moyens d'existence de sa famille, mais il est possible que Nicolas ait été placé très jeune en apprentissage tout simplement parce que sa mère n'avait pas les moyens de subvenir après son veuvage aux besoins de sa progéniture ».
 
Benoît Pelletier-Shoja
courriel : LaFranceLaPerse@gmail.com

Nashua, New Hampshire

29 octobre 2005

 

Anciens tableaux de Gallardon :

Ce tableau date de 1780. Au centre on voit l’église Saint-Pierre Saint-Paul. À gauche, les ruines du château-fort de Gallardon détruit pendant la Guerre de Cent Ans par le Dauphin, futur Charles VII, compagnon d’armes de Jeanne d’Arc. Après sa victoire sur les forces anglaises en juin 1421, Charles a fait miner le château, dans l’espoir que la guerre ne revienne plus jamais à Gallardon. Après le minage, un éclat d’une des tours de la forteresse tint debout.  Le donjon, dit « l’Épaule de Gallardon » depuis le XVIIIe siècle, est toujours de nos jours tel qu'il est représenté sur ce tableau.

 

Photos : courtoisie d’Éric Blaise

Ce deuxième tableau montre Gallardon au début du XIXe siècle, avec des toits couverts de chaume ainsi que la « porte Mouton » qui fut détruite par les habitants de Gallardon en 1848. Les pierres de cette porte comme celles des remparts et des vieilles églises de la cité ont servi aux gens pour construire leurs maisons. Selon Maurice Vié : « La porte Mouton (ou porte Archer) commandait l’arrivée vers Maintenon, et aussi les hameaux du Ménil et Baglainval ». Les hameaux de Germonval (direction Rambouillet) et du Ménil n'étaient pas dans l'enceinte même de Gallardon, car la ville en elle-même était petite mais ils étaient juste à côté;  et c'est là au temps de Nicolas que vivait grand nombre de Pelletier.