L'Aventure de Guillaume par les textes

Auteur : Georgette Pelletier-Labelle
Publié en page 7 de La Pelleterie, volume 4, no 3 - été 1990.
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Nous savons maintenant que Guillaume Pelletier est arrivé en terre québécoise en 1641. Il fait donc partie de ce groupe de pionniers des premières décennies, qui ont prouvé par leur ténacité et leur courage, que ce pays était habitable. Mentionné « menuisier, charpentier, scieur de long », on peut le compter parmi les bâtisseurs qui ont établi les bases de ce nouveau pays.

De la fondation de Québec en 1608, jusqu'à la mort de Champlain, survenue en 1635, on ne comptait que quelques familles qui vivotaient autour de "L'Habitation" (1 ). Le premier contingent important fut celui qui rentra à Québec, le 4 juin 1634, sous la tutelle de Robert Giffard. Depuis 1632, la France avait recouvré sa colonie que les frères Kirke lui avait prise en 1629. Champlain y revint aussitôt ainsi que Robert Giffard qui amena avec lui plusieurs familles pour peupler sa seigneurie de Beauport qui venait de lui être concédée par les Cent-Associés (compagnie chargée de peupler le Canada et de convertir les indigènes). Suivant les termes employés par Suite, Robert Giffard et Noël Juchereau furent "le Moïse et le Josué qui firent venir tout un peuple en cette Terre Promise" (2).

Comme ces deux précurseurs vivaient au Perche, région qu'habitait notre ancêtre, force nous est de conclure que Guillaume répondit à leur invitation, ainsi que plusieurs autres de son entourage. Parmi eux, il y avait Mathurin Provost, Julien Mercier, Mathurin Gagnon, Marin Boucher, Zacharie Cloutier, Jean Guyon, Nicolas Rivard, Jean Poussin, Aubin Lambert, Robert Giguère, Pierre Tremblay, et les autres.

Faisons maintenant plus ample connaissance avec la famille Pelletier de Brésolettes. Guillaume était fils d'Éloi et de Françoise Mare (3). Il avait épousé Michelle Mabille, le 12 février 1619, en la paroisse Saint-Aubin, à Tourouvre. Dans les registres de cette paroisse, on trouve trois actes de baptême dans les années subséquentes, Claude, Guillaume et Jean. Les deux premiers de ces enfants sont-ils morts en bas âge? Aucun acte n'a été retrouvé pour le confirmer. Quand il s'amena au pays, Guillaume était accompagné de son épouse, Michelle, de son fils Jean, âgé de 14 ans et, possiblement, de son frère Antoine (4). Ce dernier se marie avec Françoise Morin, en août 1647, mais en octobre de la même année, il se noie, en tombant d'un canot renversé à l'eau, près de sa maison, au Sault-de-Montmorency (5).

Suivons maintenant les traces que Guillaume nous a laissées, par les actes qu'il a passés.

En octobre 1642, année de la fondation de Montréal, il remet à Mathurin Gagnon qui part pour la France, un montant d'argent de 45 livres afin qu'il le remette à son beau-frère, Jean Rousseau. Un acte passé devant le notaire Choiseau, lundi, le 9 mars 1643, confirme que Gagnon a bien remis ladite somme et que Rousseau s'en déclare satisfait (6).
En septembre 1644, en présence du greffier Tronquet, Guillaume Pelletier achetait une terre de six arpents de front sur le fleuve Saint-Laurent, sise dans la Seigneurie de Beauport. Ses deux voisins étaient Antoine, son frère, du côté est, et Martin Prévost, du côté ouest. Aujourd'hui, si on suit le boulevard des Chutes jusqu'au Parc Montmorency, on est certain de traverser ces terres (7).

En 1646, c'est le Père Jérôme Lalemant qui nous parle de la famille Pelletier. Il écrit dans ses lettres "le 28 août de cette année, je partis en canot pour aller aux Trois-Rivières. J'emmenai avec moi, dans une chaloupe, 2 hommes et un enfant. L'un des hommes était le fils du Gobloteur, Guillaume Pelletier, déserteur (8), scieur de long, charpentier, charbonnier". Les notes qui suivent révèlent que Jean, maintenant âgé de 19 ans, s'était donné aux jésuites et qu'11 partait à leur mission de Fort Sainte-Marie située près de la Baie Géorgienne actuelle. Cependant, Jean ne persista pas dans cette vocation. Il revint l'année suivante et il se fiança avec Anne Langlois. Le projet de mariage fut retardé de deux ans parce que la future épouse n'avait que dix ans. Deux autres contrats nous confirment que, pendant ces deux années 1646 et 1647, Guillaume a participé à la construction de la résidence du Gouverneur et de l'église paroissiale (9). Encore en 1647, nous retrouvons un acte dans lequel Guillaume s'engage envers son voisin, Martin Prévost, pour une somme de 346 livres. Selon Léon Roy, auteur, il est permis de supposer qu'il empruntait ce montant pour acquitter la part d'héritage qui appartenait à la veuve d'Antoine (10).

Un autre acte de juillet 1648 dit que Guillaume transportait à Jean Bourdon, ingénieur, la somme de 21 livres que lui devait François de Chavigny, pour les deux boeufs qu'il lui avait vendus.

Un mois plus tard, soit le 23 août 1648, Guillaume est nommé parmi les notables qui élisent Charles Sevestre, au poste de syndic, à la Communauté des Habitants (11). En 1653, il sera lui-même élu pour représenter la région de Beauport au sein de ladite Communauté.

Le 9 novembre 1649, jour béni entre tous, Messire Jean Le Sueur, Supérieur des lieux, a solennellement marié Jean Pelletier et Anne Langlois en la Maison de Monsieur Giffard, à Beauport (12). Les parents Pelletier peuvent maintenant espérer qu'ils auront une descendance en Nouvelle-France. Il leur faudra, cependant, attendre cinq ans avant qu'Anne Langlois donne naissance à son premier enfant. Le bébé, baptisé le 16 mai 1654 sous le nom de Noël, avait été ondoyé le jour de sa naissance, par Guillaume Pelletier, son grand-père (13).

Le 30 septembre 1656, naissait Anne, future épouse de Guillaume Lizotte, ancêtre de tous les Lizotte (14).

Guillaume ne connut que ses deux premiers petits-enfants. Il mourut le 27 novembre 1657 et il fut enterré le jour suivant dans le cimetière proche de l'église; il avait 59 ans. Son épouse lui survécut huit ans. Voici le résumé de son acte de sépulture: L'an 1665, le 21e jour de janvier, est décédée, en la Communion de Notre Mère, la Sainte Eglise, après avoir reçu le Viatique et L'Extrême-onction, Michelle Mabille. Et elle a été enterrée au cimetière de Québec par moi Henri de Bernières (15).

Pendant leur existence, la colonie naissante avait traversé des périodes difficiles surtout à cause des guerres iroquoises. La première de ces guerres faillit entraîner la perte du Canada. De 1646 à 1650, la Nouvelle-France assiste, impuissante à la destruction de la nation huronne. En 1650, battus et terrorisés, un dernier groupe de trois à quatre cents de ces Hurons vont chercher refuge dans la zone colonisée du Saint-Laurent et à l'ouest de l'Ile d'Orléans. Le massacre des pères Brébeuf et Lalemant en 1649 a sûrement ébranlé le moral de nos ancêtres. Les premiers colons de Montréal vivaient aussi dans la terreur; ils étaient la cible préférée de l'ennemi qui arrivait des régions de l'ouest. Trois-Rivières fut aussi attaquée, c'est Pierre Boucher qui en fut le défenseur, un autre venu du Perche. En 1645, les Cent-Associés avaient cédé leurs droits de traite à la Compagnie des Habitants, association des principaux colons du pays, où nous avons vu militer Guillaume. Charles Huault de Montmagny (1636-1648) Louis d'Aillesboust (1648-1651 ) et Jean de Lauzon (1651 -1656) furent les gouverneurs qui se succédèrent pendant cette période.

L'année 1660 fut atroce, l'année 1661 fut plus épouvantable encore, écrivait le Père Paul Lejeune dans les Relations de 1661. Le fils du gouverneur Jean de Lauzon fut massacré avec six de ses compagnons, le 22 juin de cette année-là. On lit dans sa biographie écrite par Mosnet « le lendemain, on retrouva le corps du grand sénéchal couvert de blessures et décapité; sa tête avait été apportée en Iroquoisie comme trophée. » Avec ses six compagnons, il fut inhumé, le jour de la Saint-Jean.

Comme nous pouvons le constater, les années qui ont suivi le départ de Guillaume ont dû être très éprouvantes pour Michelle et la jeune famille de Jean. Ils habitent Beauport jusqu'en 1665, année du décès de leur mère puis ils déménageront à l'Ile d'Orléans sur une terre que Jean avait acquise sur le territoire actuel de la paroisse Saint-Pierre.

Ils ont semé dans l'adversité, ils ont trouvé le réconfort dans le force de leur foi et leur abandon total à la Volonté Divine. Ils n'ort pas accumulé de biens terrestres comme l'explique si bien If Père Maurice Pelletier, dans son livre sur Guillaume et Jean mais la Providence qui remet au centuple, a fait jaillir de leur passage discret sur la terre une moisson riche et abondante de Pelletier.

Georgette Pelletier-Labelle
Montréal

 

(1)    Forteresse érigée par Champlain pour servir d'habitation, de magasin et de défense en cas d'attaque.
(2)    Citation de Madame Montagne dans «
Tourouvre et les Juchereau».
(3)    Léon Roy, dans Guillaume et Jean Pelletier, corrige le nom de Françoise Motte.
(4)    Guillaume et Antoine n'ayant signé aucun contrat d'engagement, on ne peut affirmer avec certitude s'ils ont fait la
traversée sur le même bateau.
(5)    Relations des Jésuites, année 1647.
(6)    Madame Pierre Montagne, Tourouvre et les Juchereau.
(7)    Maurice Pelletier, s.j., Histoire et généalogie, p. 14.
(8)    Déserteur est ici employé dans le sens de défricheur.
(9)    Léon Roy, Guillaume et Jean Pelletier, p. 4.
(10)   Ibid.p.5.
(11)   Mémoires de la Société généalogique canadienne-française, vol. 28, m 2.
(12)   Actes d'état civil.
(13) (14) (15) Etat civil du Québec.

 

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